CBD et Autisme
Que peut apporter le CBD (Cannabidiol) dans la prise en charge de l’autisme ?
L’autisme, plus exactement « trouble du spectre autistique » (TSA), est une anomalie du développement neurologique qui implique des difficultés de communication et des troubles du comportement touchant environ une personne sur 160.
Rien qu’en France, 700 000 personnes sont concernées, dont environ 100 000 ont moins de 20 ans. Il s’agit donc d’une affection assez fréquente et d’apparition précoce dans la vie !
Il n’existe malheureusement pas de médicament qui puisse guérir l’autisme. La haute autorité de santé (HAS) le dit d’ailleurs clairement dans ses dernières recommandations : « aucun traitement médicamenteux ne guérit l’autisme » !
Néanmoins, certaines thérapeutiques peuvent être prescrites par le médecin pour atténuer les symptômes ou améliorer la qualité de vie des personnes souffrant de ce trouble, notamment des antiépileptiques, des neuroleptiques, des anxiolytiques, des somnifères…
Les chercheurs étudient aujourd’hui des solutions naturelles pouvant améliorer la prise en charge de certains aspects cliniques de l’autisme. Un traitement prometteur consiste à utiliser le cannabidiol (CBD), une substance non toxique et non psychoactive issue de la plante de chanvre.
Dans cet article, nous allons passer en revue certaines recherches préliminaires sur le rôle potentiel du CBD pour aider les personnes atteintes d’autisme.
Qu’est-ce que l’autisme ?
Les troubles du spectre autistique (TSA), qu’on appelle communément « autisme », sont un groupe d’anomalies du neurodéveloppement qui sont généralement diagnostiquées au cours de la petite enfance.
Ils se manifestent principalement par des difficultés à communiquer, à interagir avec les autres et à établir des relations sociales, ainsi que par des troubles du comportement, particulièrement une réticence au changement et une tendance à la répétition de discours, de gestes ou d’autres actions.
Les personnes atteintes d’un trouble du spectre autistique paraissent généralement coupées du monde extérieur et présentent des réactions sensorielles (tactiles, visuelles, auditives…) particulières.
Toutes ces particularités sont souvent à l’origine de difficultés d’insertion sociale et d’apprentissage.
D’autres symptômes sont fréquents chez les personnes atteintes de TSA, notamment l’anxiété, la dépression, les troubles du sommeil, l’hyperactivité, le manque de coordination, la dyslexie…
Par ailleurs, l’autisme n’est pas toujours synonyme de retard mental ! Il en existe des formes qui se manifestent, au contraire, par une augmentation des performances cérébrales dans certains domaines précis (don pour les mathématiques ou la physique par exemple).
Autisme : une prise en charge globale et personnalisée
Les troubles du spectre autistique ne guérissent pas, mais ils doivent être pris en charge de manière globale et personnalisée afin de permettre aux sujets qui en sont atteints d’améliorer leurs capacités à interagir avec le monde qui les entoure et d’avoir une vie relativement normale.
Il s’agit d’une prise en charge pluridisciplinaire (impliquant de nombreux acteurs : professionnels de santé, éducateurs, pouvoirs publics…) et individualisée qui évolue tout au long de la vie de la personne, de la petite enfance jusqu’à l’âge adulte.
En effet, étant des conditions qui persistent toute la vie, la prise en charge des troubles du spectre autistique doit naturellement « suivre » les individus qui en sont atteints.
Cette prise en charge est fondée sur une approche développementale et comportementale comprenant des dimensions sanitaires, sociales et médico-sociales.
Elle débute dès le diagnostic de l’autisme avec des évaluations régulières, au moins une fois par an, du développement de l’enfant de manière à adapter en conséquence la stratégie thérapeutique.
L’enfant bénéficie de soins psychoéducatifs, généralement basés sur le jeu, qui favorisent le développement du langage, des compétences cognitives, motrices et sensorielles, l’adaptation du comportement… Il s’agit d’un travail de tous les jours qui s’effectue dans l’environnement habituel de l’enfant et qui implique tout l’entourage, particulièrement les parents et la fratrie.
L’objectif est de donner à l’enfant présentant un TSA les outils nécessaires pour mieux interagir avec les autres, augmenter son autonomie et s’insérer dans la société.
La prise en charge de l’autisme à l’âge adulte suit les mêmes principes que celle des enfants. Néanmoins, le développement neurologique étant achevé à l’âge adulte, les résultats ne sont pas aussi bons. D’où l’importance d’un diagnostic le plus précoce possible de l’autisme, sachant que les premiers signes apparaissent généralement dès l’âge de 18 mois [1], [2].
Par ailleurs, il est essentiel de traiter les différents troubles associés à l’autisme, notamment l’anxiété, la dépression, l’agressivité… Des médicaments tels que des antipsychotiques, des antiépileptiques, des antidépresseurs et des anxiolytiques peuvent donc être utilisés selon les cas chez les personnes atteintes d’autisme.
CBD et autisme : que disent les études ?
Nous avons sélectionné quelques-unes des études les plus récentes qui se concentrent sur l’utilisation du CBD dans la prise en charge des troubles du spectre autistique :
- Étude turque publiée en 2021
Cette étude intitulée « Cannabis enrichi en CBD pour les troubles du spectre autistique (TSA) : expérience d’un centre en Turquie et revues de littérature » a été menée pendant deux ans (de 2018 à 2020) auprès de 33 enfants (27 garçons et 6 filles) atteints d’un TSA [3].
Tous les enfants de cette étude ont reçu quotidiennement des doses comprises en 0,3 et 2 mg par kilogramme de poids de CBD sur une période allant de 3 à 28 mois.
Une évaluation clinique minutieuse a évidemment été réalisée avant et après le protocole thérapeutique à base de CBD, sans oublier les entretiens réguliers avec les parents.
Voici les principaux résultats observés lors de l’étude :
- Une réduction significative des troubles du comportement a été mise en évidence chez 10 enfants sur les 33 traités.
- Une amélioration de l’expression et de la communication chez 7 enfants sur les 33 traités.
- Une amélioration des fonctions cognitives (concentration, mémoire…) chez 4 enfants.
- Une augmentation des interactions sociales chez 3 enfants.
- Une réduction des comportements stéréotypés (notamment les gestes répétitifs) chez un seul enfant.
- 6 enfants n’ont eu aucune amélioration notable suite au traitement.
- Un seul enfant a pu arrêter son traitement antipsychotique grâce au protocole thérapeutique à base de CBD.
Cette récente étude, bien qu’elle soit de petite envergure (effectif réduit et absence de groupe placebo), a permis de mettre en évidence une amélioration significative de certains symptômes du trouble du spectre autistique grâce à de petites doses quotidiennes de CBD.
Le CBD paraît particulièrement efficace pour réduire les troubles du comportement, avec une amélioration de ce symptôme chez près d’un tiers des enfants traités.
La prise de CBD au long cours a également permis, d’après les parents de certains enfants traités, une augmentation des fonctions cognitives.
Par ailleurs, aucun effet secondaire significatif n’a été observé chez les enfants après l’utilisation de faibles doses de CBD. Seuls quelques-uns ont rapporté des désagréments tels qu’une somnolence, des modifications de l’appétit ou une diarrhée modérée.
- Étude brésilienne publiée en 2019
Il s’agit d’une étude observationnelle intitulée « Effets de l’extrait de cannabis sativa enrichi en CBD sur les symptômes des troubles du spectre autistique » menée sur 18 patients âgés de 6 à 17 ans (5 filles et 13 garçons) atteints de TSA [4].
Tous les patients ont reçu par voie orale un extrait de cannabis standardisé contenant du CBD/THC avec une proportion de 75/1 (extrait enrichi en CBD) sous forme de gélules. Chacune des gélules contenait soit 25 mg de CBD et 0,34 mg de THC, soit 50 mg de CBD et 0,68 mg de THC (le double).
Les doses de CBD prises par chaque patient initialement allaient de 2,30 mg/kg à 3,60 mg/kg/jour (2,90 mg/kg/jour en moyenne), variant principalement selon la gravité des symptômes. Elles ont ensuite été augmentées progressivement jusqu’à atteindre 3,75 à 5,45 mg/kg/jour (4,55 mg/kg/jour en moyenne).
Sur les 18 patients de la cohorte, 3 ont choisi d’interrompre leur traitement dès le premier mois suite à des signes d’intolérance ou une aggravation des symptômes.
Pour deux d’entre eux, l’aggravation des symptômes était probablement due à une tentative concomitante des parents d’arrêter ou de réduire la posologie de leurs traitements antipsychotiques sans supervision médicale.
Pour le troisième, les effets indésirables rapportés peuvent être expliqués par une interaction négative entre les médicaments psychiatriques et les cannabinoïdes prescrits (CBD et THC).
Quant aux 15 autres patients ayant suivi tout le protocole thérapeutique, les résultats étaient dans l’ensemble positifs :
- Amélioration des troubles du sommeil.
- Réduction des crises convulsives chez les patients épileptiques.
- Amélioration des troubles du comportement.
- Amélioration du développement moteur.
- Amélioration de la communication et de l’interaction sociale.
- Amélioration des fonctions cognitives.
D’après les auteurs de l’étude, 14 des 15 patients ayant adhéré au protocole ont montré des améliorations ≥ à 30 % dans au moins une catégorie de symptômes.
La majorité des patients ont bénéficié d’une amélioration dans plusieurs catégories de symptômes. Un seul patient, suivant plusieurs traitements neuropsychiatriques, n’a présenté aucune amélioration clinique.
Des effets indésirables légers ont été rapportés chez tous les patients traités par extrait de cannabis enrichi en CBD. Il s’agissait principalement de somnolence, d’irritabilité modérée, de diarrhée, d’augmentation de l’appétit et de légère augmentation de la température corporelle.
-
Étude israélienne publiée en 2019
Il s’agit d’une étude intitulée « Utilisation orale de CBD chez les enfants atteints de TSA pour traiter les symptômes et comorbidités associés » menée sur 53 enfants et adolescents (âgés de 4 à 22 ans) atteints d’un trouble du spectre autistique [5].
Les 53 patients ont reçu un traitement à base de CBD par voie orale (gouttes d’huile de CBD) pendant 30 à 588 jours (66 jours en moyenne).
Plusieurs résultats positifs ont été rapportés par les parents des patients :
- Réduction de l’automutilation et des crises de rage chez 67,6 % des patients.
- Amélioration des symptômes d’hyperactivité chez 68,4 % des patients.
- Amélioration des problèmes de sommeil chez 71,4 % des patients.
- Réduction de l’anxiété chez 47,1% des patients.
- Les effets indésirables, essentiellement une somnolence et des modifications de l’appétit, étaient légers.
D’après les auteurs de cette étude, en se basant sur le rapport des parents et l’évaluation clinique des patients, le CBD est capable d’améliorer de manière significative certains symptômes du trouble du spectre autistique tout en étant bien toléré par l’organisme.
- Étude américaine publiée en 2018
Il s’agit d’une revue de littérature (analyse de plusieurs études déjà réalisées sur une thématique) intitulée « État actuel des preuves sur l’utilisation du cannabis pour le traitement des troubles du spectre autistique » dont les auteurs se sont basés sur les résultats des études réalisées entre 2000 et 2019 sur l’utilisation des cannabinoïdes dans le contexte des troubles du spectre autistique [6].
Plusieurs données ont été rassemblées grâce à cette revue, en voici quelques-unes :
- Le CBD améliore les principaux symptômes du trouble du spectre autistique, notamment les troubles du comportement, la communication et les interactions sociales.
- Les niveaux de preuve sur l’efficacité du CBD dans le traitement du TSA sont nettement plus faibles que ceux sur son efficacité contre certains types d’épilepsie.
- Les effets positifs du CBD dans le traitement des symptômes du TSA sont très probablement liés à des interactions avec les différents constituants du système endocannabinoïde— sachant que de nombreux rapports pointent du doigt des dysfonctionnements de ce système chez les personnes atteintes de TSA.
- Le CBD peut permettre de traiter certains symptômes fondamentaux du TSA et améliorer de manière significative la qualité de vie des personnes qui en sont atteintes.
Bien que les résultats des études réalisées jusque-là soient prometteurs vis-à-vis de l’utilisation du CBD dans la prise en charge des patients souffrant de trouble du spectre autistique, les recherches doivent se poursuivre pour mieux comprendre ses mécanismes d’action, son efficacité et sa tolérance sur le long terme.
CBD et autisme : les points clés à retenir
L’autisme ou « trouble du spectre autistique » regroupe de nombreuses conditions qui partagent des symptômes principaux communs, à savoir les troubles du comportement, les problèmes de communication et les difficultés d’interaction avec les autres.
Il s’agit d’une affection fréquente pour laquelle on ne dispose d’aucun traitement curatif. Chaque symptôme, ou groupe de symptômes, doit donc être traité de manière isolée à l’aide de divers médicaments tels que les antipsychotiques, les antiépileptiques, les anxiolytiques, les neuroleptiques…
Le CBD peut se révéler efficace dans la gestion de certains symptômes liés au trouble du spectre autistique, permettant notamment de :
- Réduire les troubles du comportement tels que les crises de rage ou l’automutilation.
- Améliorer la communication avec les autres ainsi que les interactions sociales.
- Lutter contre les crises d’épilepsie dont souffrent de nombreuses personnes atteintes d'autisme.
- Réduire l’anxiété, la dépression et améliorer les troubles du sommeil.
Le CBD peut permettre toutes ces améliorations chez les personnes atteintes d'autisme sans induire d’effets secondaires significatifs. Ces derniers, généralement à type de somnolence ou de modification de l’appétit, sont de toute façon bien moins néfastes que ceux des médicaments habituellement utilisés au cours du trouble du spectre autistique.
Un traitement complémentaire à base d'huile CBD peut donc permettre de supprimer ou réduire les doses de certains médicaments utilisés dans le TSA sources d’effets indésirables, à condition que tout cela se fasse sous l’étroite surveillance d’un médecin (de préférence un médecin habitué à la prescription de CBD ou autres dérivés du cannabis).
Des études sont actuellement en cours pour comprendre les effets et les mécanismes précis d’action du CBD afin d’en exploiter tout le potentiel dans la prise en charge de dizaines de pathologies dont l’autisme.
Information importante:
Avant d'utiliser le CBD sur une personne atteinte de trouble autistique, parlez en à son médecin et n'abandonnez pas les thérapies comportementales simplement parce que le CBD peut soulager certains symptômes.
Comme la plupart des médicaments qui traitent les problèmes psychologiques, le CBD est un support qui permet une meilleure intégration des thérapies comportementales, et non un remplacement pour celles-ci.
Références
[1] J. Vela, L. Dreyer, K. K. Petersen, L. Arendt-Nielsen, K. S. Duch, et S. Kristensen, « Cannabidiol treatment in hand osteoarthritis and psoriatic arthritis: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial », PAIN, vol. 163, no 6, p. 1206‑1214, juin 2022, doi: 10.1097/j.pain.0000000000002466.
[2] M.-A. Fitzcharles, D. J. Clauw, et W. Hauser, « A cautious hope for cannabidiol (CBD) in rheumatology care », Arthritis Care & Research, vol. n/a, no n/a, doi: 10.1002/acr.24176.
[3] S. Bilge et B. Ekici, « CBD-enriched cannabis for autism spectrum disorder: an experience of a single center in Turkey and reviews of the literature », J Cannabis Res, vol. 3, no 1, p. 53, déc. 2021, doi: 10.1186/s42238-021-00108-7.
[4] P. Fleury-Teixeira, F. V. Caixeta, L. C. Ramires da Silva, J. P. Brasil-Neto, et R. Malcher-Lopes, « Effects of CBD-Enriched Cannabis sativa Extract on Autism Spectrum Disorder Symptoms: An Observational Study of 18 Participants Undergoing Compassionate Use », Frontiers in Neurology, vol. 10, 2019, Consulté le: 10 janvier 2023. [En ligne]. Disponible sur: https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fneur.2019.01145
[5] D. Barchel et al., « Oral Cannabidiol Use in Children With Autism Spectrum Disorder to Treat Related Symptoms and Co-morbidities », Frontiers in Pharmacology, vol. 9, 2019, Consulté le: 10 janvier 2023. [En ligne]. Disponible sur: https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fphar.2018.01521
[6] R. Agarwal, S. L. Burke, et M. Maddux, « Current state of evidence of cannabis utilization for treatment of autism spectrum disorders », BMC Psychiatry, vol. 19, no 1, p. 328, oct. 2019, doi: 10.1186/s12888-019-2259-4.